• L'AFRIQUE FAIT FACE!

    L’Afrique face à la crise mondiale : mieux articuler les politiques de développement Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
    27-11-2008
    La récente crise politique kényane  est riche d’enseignements. En effet, les deux branches de l’alternative en sont singulièrement problématiques.  Raila Odinga devrait-il jeter ses militants dans la rue pour restaurer la démocratie au risque de sacrifier des milliers de vies ou devrait-il, au contraire, opter pour un règlement pacifique, quitte à hypothéquer la victoire qu’il était sûr d’avoir remportée.Image

    En réalité, il s’agit là d’une véritable quadrature du cercle, puisque même la solution négociée (gouvernement d’union nationale) constitue une atteinte à la souveraineté du peuple. Un tel dilemme symbolise, me semble-t-il, la situation à laquelle l’Afrique d’aujourd’hui doit faire face. A moins que l’on ne se résolve, comme Proudhon, à laisser faire l’horloge biologique à l’œuvre dans toute société humaine et dont émanera le triomphe d’un Etat de justice absolu sans la moindre révolution.


    Plus qu’une révolution dans le sens classique du terme, c’est un éveil spirituel que les populations africaines ont besoin. Ce travail de longue haleine prendra nécessairement ses racines, non pas seulement dans le terreau impersonnel des lois et de la production, mais également au niveau de l’intimité familiale. Cette sphère de la reproduction dans laquelle le discours convainc sans coercition. Car la faim de l’Afrique n’est pas que physique. Elle est aussi morale et intellectuelle, d’où le rôle de premier plan assigné à la femme et à l’éducation. En se référant à ces pistes théoriques, on peut tenter de dégager quelques impératifs absolus qui se posent à notre continent sur la route de l’émergence.

    Afrique, mere amere
    L’Afrique c’est connu, est malade de ses gouvernants. Elle est devenue une mère amère sollicitée de tous bords par ses enfants égarés et sa Justice aux abois. Quelle mère donc donnerait à son fils un serpent si ce dernier réclame du pain ? Si on assiste à de fréquents soulèvements, réprimés pour la plupart, c’est que le père, autrement dit le paradigme dirigeant, est atteint de presbytie et a pris ses enfants pour des rats affamés qui lui rongeraient les pieds. Repus d’avoir avalé la part des ses fils, il s’est endormi, a roulé sur eux et s’est mis à les étouffer.


    Telle est l’image que laissent les pouvoirs despotiques retranchés derrière les forces de défense publiques.
    Je voudrais rappeler à tous ces policiers, qui «casse du manifestant» au nom de l’ordre public, que l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, figurant dans la Constitution de tous les pays, stipule que «la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique» et que  «cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée».


    Aux donneurs d’ordre, il convient d’indiquer que la formule de l’-Odering dum metuant (qu’ils me haïssent pourvu qu’ils me craignent) est également le mot d’ordre de tous les terroristes.
    Même si nous devons exercer notre jugement en fonction de critères complexes, l’on peut avancer, sans trop de risques, que la solution à la cherté de la vie qui jette les populations dans la rue passera, nécessairement,  par un ensemble de mesures hardies.


    Les peuples africains se caractérisent par leur sens aigu du sacrifice. Au Sénégal, une réduction de la taille et des avantages des structures étatiques constituerait un premier signal fort. Par structures étatiques, j’entends les agences et directions dont le véritable rôle est de servir de carpe diem à une clientèle politique affairiste. Cela supposerait, au demeurant, que les pouvoirs aient le courage de leurs responsabilités. Il s’agirait d’abord de défier un certain establishment jaloux de ses privilèges, de traiter les lobbys politiques et religieux (véritable aggiornamento version islamique) avec la respectueuse distance républicaine que requiert le bon fonctionnement d’un Etat de droit. Cette distance ne devient respectueuse que si les autorités observent une scrupuleuse équité dans leur bonne intelligence avec les communautés. Il va sans dire que le naturel substrat à l’Etat de droit est le patriotisme de ses citoyens.

    Individualisme versus patriotisme
    Pour mener des politiques qu’ils savent impopulaires, la plupart des gouvernements préfèrent les présenter comme des «contraintes» extérieures -sur lesquelles ils n’ont aucune prise- et non pas comme des décisions nationales. On dira que «c’est la faute du Fmi» ou que «c’est la faute de Bruxelles» ou encore «maintenir les prix en l’état actuel relève du miracle au regard de la hausse du coût du baril de pétrole». Or au Sénégal, longtemps après la baisse vertigineuse du prix du baril, celui de l’essence n’a pas connu d’évolution significative. En la matière, l’Etat semble se laisser aller à la facilité du jus utendi et abutendi (droit d’user et d’abuser).
    En Afrique, les contingences extra muros sont systématiquement convoquées dès qu’il y a flambée des prix de certains produits importés. Désormais, elles (ces contingences)  semblent dispenser les gouvernants dilettantistes de toute vision prospective de développement.


    Pour se ménager un dernier bouclier, on s’invente une petite paranoïa téléguidée. Les régimes aux abois évoqueront derrière chaque mouvement d’humeur la responsabilité de «forces tapies dans l’ombre», lesquelles ne sont, en réalité, que la manifestation grouillante de leurs propres insuffisances…
    La substitution de l’intérêt collectif par l’ambition individuelle est à la base des deux principales tares qui rongent l’Afrique.


    D’une part, nous avons la corruption, la gabegie et le népotisme, de l’autre, l’irrédentisme les guerres ethniques et les régimes totalitaristes. Les premiers maux vérifiables au plan individuel favorisent l’occurrence des seconds dont les enjeux dépassent le cadre restreint des appétits personnels… la population européenne qui connaît déjà l’Afrique voit souvent d’un mauvais œil que l’Union européenne puisse consacrer autant de ressources à aider des pays dans lesquels colloques et discours se substituent aux actes concrets. A ce sujet, une anecdote rapporte que le Bénin vient régulièrement se ravitailler en conclusions de séminaires au Sénégal pour faire l’économie de dépenses inutiles. Il est reproché aux Sénégalais, par exemple, de ne significativement investir que dans des domaines certes à moindres risques, mais dont la portée en termes d’emplois est plus que douteuse (commerce et immobilier).


    Au demeurant, un tel choix traduit la mise en avant de l’intérêt individuel en lieu et place de projets de grande envergure. Autant on ne peut tout attendre des partenaires extérieurs, autant il serait illusoire et à la limite dangereux de prétendre à une assistance totale et continuelle de l’Etat. Le moins d’Etat mieux d’Etat a longtemps été agité comme formule miracle. Elle n’est, cependant, pertinente que sous-tendue par un environnement socioéconomique propice dans lequel des éléments modérateurs, tels que la société civile et la classe moyenne, joueraient pleinement leur rôle.

    Role de la classe moyenne et de la societe civile
    La classe moyenne (secteur informel et fonctionnaires moyens) est à l’économie ce que la société civile est à la démocratie. Respectée et douée de pouvoir d’achat, elle assure consistance et vitalité à l’épargne publique. De même, la société civile, électron libre dans l’univers des idéologies, remplit aisément son rôle de tampon social.
    Spinoza et, dans une certaine mesure, Machiavel avaient développé l’idée d’un recours à un ensemble d’organismes contre-pouvoir, convaincus que «la raison était souvent désarmée face à la passion. Il fallait donc, à leurs yeux, que le salut de l’Etat ne dépendît pas exclusivement de la vertu de ceux qui gouvernent».
    Le pouvoir aura, d’abord, à cœur de transférer les fonds économisés dans la réduction de son train de vie, vers une aide substantielle au secteur informel (Etat généraux, formation continue des acteurs, prêts à intérêts préférentiels, infrastructures de base…). Il faudrait, ensuite, revaloriser de manière significative le traitement salarial des agents de la Fonction publique appartenant à la classe moyenne, au lieu d’exacerber les écarts entre hiérarchie, ce qui équivaudrait à ankyloser l’épargne et la consommation en offrant plus de possibilités à une élite qui s’empresserait d’expatrier sa fortune. Doter une majorité de fonctionnaires de revenus raisonnables équivaudrait à donner un coup de fouet à la consommation des ménages ainsi qu’à l’épargne publique. Ce qui, à terme, relancerait de manière durable une économie poussive. Il est, en effet, de notoriété publique que la consommation des ménages ainsi que l’épargne de la classe moyenne sont les véritables leviers de toute économie.


    Il conviendrait, enfin, de faire de la société civile un interlocutrice, une sorte de sparring  partner propre à anticiper positivement les humeurs de la population en lieu et place de la diabolisation systématique et du face-à-face en chiens de faïence auxquels on assiste généralement.
    Cette contribution est longue, car l’enjeu en vaut  la chandelle. Elle se veut conforme au jour sans pain, au jour de jeûne sans espoir de rupture,  au temps qui, entre la promesse électorale et le moment de sa réalisation, se contorsionne et s’étire, aux yeux du Sénégalais, de l’Africain qui habite du côté de la terre où le soleil ne brille jamais.


    Paul NDOUR
    Professeur au Lycée Limamoulaye
    Enseignant vacataire au Dpt de Langues romanes à l’Ucad  
    en Langues étrangères
    appliquées à l’Univ. de Thiès  
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  • Commentaires

    1
    nicole28
    Mercredi 20 Janvier 2010 à 14:41
    Super site très interessant pour son contenu, il m'a beaucoup aidé pour mon exposé sur l'Afrique. Continuez comme ça , enfin un blog interessant
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